Un mouvement de reflux est en cours dans divers lieux touristiques pour préserver les écosystèmes. Que ce soit à l’international comme à Venise, sur la barrière de corail, les Cinque Terre, Palma de Majorque ou en France comme les calanques de Marseille, certains sites en Corse ou plus récemment le parc du Mercantour, il semble que les sites ont pris conscience du danger qui les guette.
Les origines de tourisme de masse n’est pas un phénomène récent
Avant les réseaux sociaux, le bouche à oreille a été un excellent vecteur pour découvrir des lieux magiques. On racontait à nos amis les vacances passées en Bretagne, dans les Alpes, sur la côte d’Azur, en Espagne, en Italie ou en Yougoslavie et ses heures de route dans les embouteillages. Dans les années 70, cet engouement a provoqué des catastrophes d’urbanisation que l’on connait aujourd’hui pour accueillir ces millions de touristes. Les immeubles qui poussent comme des champignons sur le front de mer, les stations de montagne développées n’importe où et n’importe comment, les voitures poussées sur les routes contribuant à la disparition petit à petit du ferroviaire sont les fardeaux hérités des vacances de nos parents et grand-parents
Les réseaux sociaux ont accéléré un phénomène déjà en place depuis des décennies
La communication a été un peu l’arme fatale aux lieux touristiques, pourquoi ?
Il y a quelques années voire décennies, la photo argentique puis numérique était le souvenir des vacances que l’on montrait avec quelques semaines de décalage. La carte postale représentait le témoignage de son passage sur le site. L’avènement des smartphones et du roaming qui a permis d’avoir des forfaits de données conséquents, a naturellement poussé des millions de personnes à diffuser des photos et des vidéos en instantané. Rien que sur Instagram 100 millions de photos sont postées chaque jour
Qui n’a pas voulu prendre sa photo devant la Tour Eiffel, à l’Aiguille du Midi ou dans la calanque d’en Vau. Les smartphones ont permis de faire quelque chose de simple et tellement « kiffant », dire instantanément où l’on se trouve et d’en donner la preuve. La course au « j’y suis » a explosé, la géolocalisation et les hashtags ont enfoncé le clou. On a effectivement vu comment une petite rue tranquille de Paris se transformer en véritable cauchemar pour les riverains, une petite plage de Croatie devenir un enfer ou une vallée tranquille dans les Alpes se transformer en pèlerinage. A tel point qu’il faut parfois être patient pour avoir une angle de vue sans personne. Certains internautes encore peu nombreux et conscient du danger ont commencé à ne plus indiquer les lieux. Car il y a dans ce phénomène quelque chose de pervers : « je veux y être seul en le disant à tout le monde ! »
Ce phénomène a été malheureusement dopé également par les influenceurs car beaucoup de sites et de marques ont eu recours aux services d’influenceurs pour mettre en scène des paysages déjà bien ancré dans l’imaginaire collectif. Si l’influenceur fait la photo, je dois aussi pouvoir la faire et on connait la suite. On a tous connu les champs de Lavande en Provence envahis par des afficionados chinois. Mais la responsabilité n’est pas uniquement le fait des internautes mais bien des sites touristiques eux-mêmes.
Comme l’a soulevé le site le super daily
Les offices de tourisme ont aussi flairé le bon filon et font aussi la promotion de leurs destinations toujours avec des mises en scène qui font rêver. Le problème, c’est qu’Instagram possède une influence énorme sur l’industrie du voyage et a tendance à déclencher de véritables « ruées touristiques ». Une simple photo peut déclencher la venue de centaines de milliers de personnes dans des lieux qui ne sont pas pensés pour les accueillir.
Les réseaux sociaux doivent désormais faire la promotion d’un tourisme responsable
Si un mouvement doit se mettre en place c’est celui de la responsabilité collective. Quel est l’intérêt de mettre tous la même photo au même endroit ? Ne peut on pas être plus imaginatif et laisser place au rêve. Un détail est parfois moins destructeur qu’une vue d’ensemble. Ne peut on pas expliquer ce qu’il se passe ? Une photo braquée sur une cascade, la seconde sur le parking 🙁 C’est un peu le phénomène de décroissance dont on parle mais au niveau du tourisme. Les communicants du Parc National des Calanques commencent à montrer aux potentiels visiteurs l’image du site sur les réseaux sociaux et la photo de la réalité et là ça casse le mythe.
Les utilisateurs des réseaux doivent aussi faire prendre conscience au monde des enjeux au niveau local. Comment peut on accepter que des milliers de véhicules s’entassent sur les routes quand une voie ferroviaire n’attend que d’être correctement exploitée pour réguler la circulation ? Le train a le pouvoir magique d’interdire des millions de voitures d’aller au même endroit sur une route paumée qui n’est pas dimensionnée pour accueillir autant de monde. Les réseaux devraient servir à la promotion du slow tourisme. Visiter des lieux en prenant conscience que l’on ne consomme pas des espaces naturels comme du fast food. Pourquoi ne pas envisager de mettre en avant les transports collectifs que ce soit pour rejoindre la destination que pour organiser les flux sur place grâce à des véhicules collectifs propres. La voiture électrique est tout autant un danger pour la surexploitation, en revanche elle peut être un excellent moyen pour des déplacements écologiques en local.
Les réseaux sociaux doivent servir de vecteur à cet imaginaire. On peut tout à fait envisager qu’un train vous amène d’un point A à un point B dans le même durée qu’un véhicule personnel mais sans les contraintes de circulation, de météo, d’embouteillage, de facteurs accidentogènes. Découvrir une autre dimension du voyage à travers des paysages de fou, en étant juste contemplatif sans avoir le nez rivé sur la route. On peut aussi se prendre à rêver que les collectivités territoriales mettent tout en œuvre pour que ces touristes « régulés » aient tous les moyens écologiques mis à disposition en local pour atteindre leurs hébergements, profiter des sites naturels et des activités. La limitation d’accès doit être douce, soit par les moyens d’y accéder (transport collectif), soit par le quota. Mais il ne faut pas que ce type de tourisme deviennent une nouvelle manne financière, comme certaines initiatives de faire payer une route d’accès qui ne règle en rien le phénomène mais fait plutôt une sélection par l’argent. L’accès par transport collectif semble être une bonne option et le système de quotas par inscription semble être à la portée de tout le monde, pourvu qu’on y mette pas une forte contribution.
Les réseaux sociaux sont aussi le moyen de découvrir les sites autrement et de considérer que le simple fait d’avoir été choisi pour accéder à un lieu est déjà en soi magique. Il ne faut pas que la nature soit un parc d’attraction en faisant la queue pour avoir sa photo, il faut au contraire considérer que de réserver sa venue en avance vous permet quelque part d’être chanceux.
D’autre part, l’utilisation des réseaux que l’on soit touriste ou local n’est pas tout à fait la même mais ne comptez pas sur moi pour en révéler les secrets. Dans les villes, il existe des associations d’habitants comme les Greeters qui vous permettent de découvrir des lieux pas très connus d’une façon insolite et avec un regard local. Cela permet d’échapper au phénomène de masse.
On est entré dans une nouvelle donne. La génération Z, prochaine consommatrice de tourisme et massivement habituée aux réseaux sociaux, va certainement contribuer à changer les choses. Cette génération est plus sensible au changement climatique et à la protection de l’environnement, elle est aussi consommatrice de réseaux sociaux et déjà en pleine conscience des enjeux à venir.